En 2011 j’ai obtenu une maitrise en anthropologie de la médecine et de la santé. Dans ma recherche intitulée « La relation entre qualité de vie et santé : une question épistémologique » j’analyse la santé de la population d’une région dans ses aspects économiques, biologiques, sociaux, culturels et éthiques. La théorie liant la santé au statut socioéconomique fait généralement consensus mais la compréhension et l’interprétation des causes derrière les inégalités sociales de santé sont de plus en plus questionnées.
Ces questions portent à réfléchir sur l’utilisation des métadonnées produites par les enquêtes de santé effectuées à grande échelle qui oblitèrent des données de terrain présentes au sein d’ensembles populationnels plus petits tels que les villages ou les régions rurales. Mon terrain fut la région rurale de La Petite-Nation située en Outaouais, où j’ai interviewé plus de 30 personnes, dont les membres de trois générations de trois familles de niveaux socioéconomiques différents ainsi que divers intervenants du milieu de la médecine et de la santé communautaire. Les données qualitatives récoltées sur le terrain m’ont amené à questionner la validité de l’épidémiologie statistique comme unique moyen et référent principal pour l’analyse des besoins socio-sanitaires des populations. Sur ce plan, les données épidémiologiques d’une région urbaine basées sur les indicateurs classiques fondés sur les moyennes nationales furent comparées aux données rurales et analysées dans une perspective anthropologique et épistémologique. Cette perspective d’analyse permit de brosser un tableau plus large et nuancé sur des déterminants de la santé demeurés silencieux au sein des enquêtes épidémiologiques.
Ainsi, les résultats de recherche démontrèrent que ce n’est pas tant le niveau du revenu global familial qui influence la santé mais plutôt la qualité de vie au sein de la famille et de la communauté. La santé des individus tout autant que celle des populations est un vaste domaine inter-relié influencé par plusieurs facteurs issus de l’environnement. Sur ce plan, la qualité de vie se développe de façon variable selon les milieux et les ressources sociales, culturelles et économiques disponibles dans la communauté. Le lien entre qualité de vie et santé est complexe et représente un concept parapluie dont la définition est aussi influencée par des éléments symboliques. À ce niveau, si le statut socioéconomique sert de référence à un modèle de qualité de vie c’est parce que les critères de satisfaction de la vie sont souvent définis à partir des valeurs matérielles d’une culture située dans un contexte géopolitique et économique particulier. Pour sortir de cette prémisse et accéder à une analyse des fondements théoriques des liens entre une vie de qualité et la santé, les données empiriques ont été alliées aux concepts de satisfaction des besoins fondamentaux en rapport avec le territoire et le contexte crée par l’actualisation des capitaux sociaux, culturels et économiques au sein des familles et de leur communauté. La recherche permit de constater une différence significative entre les résultats et l’interprétation des deux types de collecte et d’analyse des données; les indicateurs relevés sur le terrain témoignant d’une réalité autre que celle véhiculée par le discours officiel. Ce constat pose une question éthique fondamentale à la gestion de la santé des populations.